bandeatemoignage2

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J'entendais les défis qu'elle me lançait avant de se jeter dans la descente, me dépassant toujours, riant de mes efforts à la rejoindre avec des éclats que l'écho multipliait ; me reprenant avec une autorité pleine de malice, m'aidant à être un champion moins mauvais.
Je revivais les veillées du soir autour d'un feu où vingt jeunes se racontaient un fait du jour, exagéraient un danger tandis que nos ombres dansaient avec nous à quelque rythme à la mode, sur la pierre brute de la grande salle du refuge.
- Vous vous souvenez de nos promenades dans le village, Véronique, et de nos visites à la petite ferme ?
- Oui, et de ce verre de lait, chaud encore de la traite, que nous hésitions à boire et auquel nous avons pris goût. Je n'ai jamais bu depuis ce temps un verre de lait, sans essayer d'y retrouver cette saveur d'herbe fraîche et de fleurs des montagnes.
Je savais qu'elle n'avait pas oublié ces nuits quand le vent faisait battre la porte du refuge et que nous entendions le feulement de la neige qui s'amoncelait dehors. Le lendemain de ces nuits, la neige était plus belle.
- Je sais bien que vous n'étiez pas dupe de mes peurs quand il faisait mauvais . On se serrait plus fort sous les duvets. Et vous pensez que j'aurais pu oublier ?
Je savais qu'elle n'avait rien perdu de ces moments qui peuvent se répéter mais qu'on ne vit pas deux fois de la même façon. C'est peut-être cela le bonheur : un moment où l'on ne tient pas compte du temps qui passe ; un temps où les choses sans prix nous semblent offertes quand nous n'y songions pas. Dans ces instants, nous n'avons même pas conscience de ce privilège d'être là, dans un lieu particulier près d'une personne venue aussi par hasard avec qui nous mélangeons en partage les plus fortes et plus brûlantes émotions de la vie.