bandeatemoignage2

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Nous allions chaque matin au plus loin sur les hauteurs pour être seuls.
Nous aimions être déjà là quand le soleil finissait de jeter sa première lumière sur la neige du jour.
La blancheur intacte reflétait le ciel bleu et scintillait de l'or des rayons encore naissants.
Nous nous tenions enlacés au-dessus du névé. La neige crissait sous nos deux poids. Je sentais bouger son petit corps à travers les vêtements qui la grossissaient tandis que je voyais là-bas, derrière ses grosses lunettes, ses yeux qui brûlaient de la jeunesse de nos vingt ans ; car nous avions vingt ans !
Nous regardions un moment les silhouettes dérisoires qui descendaient la piste au-dessous de nous avant de plonger à notre tour vers le fond de la vallée.
J'aimais son rire, sa façon particulière d'articuler sa langue quand elle voulait marquer qu'elle était fille des Laurentides, familière des hauteurs et des vents glacés.
Et quand le soir nous nous étions trop longtemps attardés sur la pente, le brouillard qui tombait du glacier par grosses bouffées obscurcissait les traits de son visage, nous donnant le signal de la dernière descente.
je m'approchai pour être en face d'elle. J'avais posé mes mains proches des siennes et nous nous regardions en silence, chacun lisant dans les yeux de l'autre le film d'un temps de sa jeunesse.
- Vous vous souvenez, Véronique ?
- Oui, dès les premiers jours j'étais tombée dans un trou de neige.
- Je vous ai relevée ; Ce n'était presque rien, mais je n'ai pas su vous rassurer.
- Vous m'avez aidée à glisser jusqu'au refuge.
- Et pendant près d'un mois, nous ne nous sommes plus quittés !
Nous étions là tous les deux, suivant silencieusement nos souvenirs enlacés.